album de famille

« Tu veux jouer à inventer des histoires ? Un chapitre chacun ? Je commence ? Il était une fois un village que ses habitants avaient déserté. Même les chats et les chiens étaient partis. Et les oiseaux aussi. »
Le petit garçon qui joue ainsi à inventer des histoires à la demande de sa mère est devenu un grand romancier. Sa mère n’est plus là, mais il tient malgré tout à poursuivre le récit de l’existence tumultueuse de sa famille et de ses aïeux. Son récit quitte donc le quartier modeste de Jérusalem où il est né, remonte le temps, retourne en Ukraine et en Lituanie, et fait revivre tous les acteurs de cette tragi-comédie familiale, qu’ils soient prophète tolstoïen, séducteur impénitent, mauvais poète, kibboutznik idéaliste, ou vrai savant. Leurs vies sont parfois broyées par la grande Histoire – l’Europe les rejette, l’Orient se montre hostile – et toujours marquées par leurs propres drames intimes, illusions perdues et rêves avortés (…)

Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbres, Gallimard 2004

vesaasDans « Les Oiseaux », Tarjei Vesaas, un des plus grands écrivains norvégiens, raconte l’histoire de Mattis, simple d’esprit au coeur vierge et à l’âme candide que la dureté du monde réel a définitivement refoulé dans un univers de rêves.
Ce roman poignant invite le lecteur à mieux aimer la vie, à apprendre à dépasser, à transfigurer les contingences : la nature, la simplicité, l’évidente et immédiate beauté d’un lac, d’une forêt, d’une aile d’oiseau, d’un regard de jeune fille en sont l’irréfutable preuve. Ils sont au-delà du malheur et de la mort et leur miracle ne périt jamais, il est à la portée du plus déshérité.

Tarjei VESAAS, « Fuglane » (« Les Oiseaux »), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 — réédité aux éditions « Plein Chant ».

A23392On enterre une femme à deux heures… C’est par ces mots que comme L’Enfant brûlé, le chef-d’œuvre de Stig Dagerman, qui date de 1948. En effet, la mère est morte, laissant un mari et un fils de vingt ans. Qui était-elle en dehors de cette rumeur quotidienne dont elle remplissait la maison ? Trop tard pour le savoir. Désormais, son absence va prendre un poids que n’avait pas sa présence, suscitant entre père et fils d’étranges rapports faits de questions tacites, de suspicion mutuelle, de jalousie et de haine, mais aussi d’amour. Lire Dagerman – ce Rimbaud du Nord qui mit fin à ses jours en 1954, alors qu’il n’avait que trente et un an et que, depuis longtemps, il se taisait – c’est lire un écrivain majeur, l’un de ces auteurs sont la voix a la vertu de raccourcir à la seconde des distances entre lecteur et auteur, instaurant entre eux les liens de complicité les plus étroits, commandant un irrésistible mouvement de sympathie.Ardent et précis à la fois, l’écrivain jette ses filets au plus profond de nous-mêmes, ramenant à la surface nos secrets les plus troubles et les moins avouables. Tandis que, sur fond de rues enneigées, d’archipels lisses et de soleils froids, des personnages ravagés de passion se dressent, à jamais inoubliables, comme dans un film qui serait le plus beau film d’Ingmar Bergman, ce compatriote de Dagerman,  » l’Enfant brûlé « .

A12524Huit jours après avoir assisté au mariage de sa sœur dans le château familial de Wolfsegg, en Autriche, Murau, le narrateur, rentré à Rome, doit repartir. Cette fois, pour participer aux funérailles de ses parents et de son frère, morts dans un accident de voiture.
Brebis galeuse d’une famille attachée à ses traditions, héritier d’un domaine dont il n’a que faire, Murau retourne dans ce lieu grandiose, avec ses rites respectés et bafoués à la fois par son père, ancien membre du parti nazi, par sa mère, maîtresse de l’archevêque Spadolini, haut dignitaire du Vatican. Il lui faudra raconter tout cela pour «éteindre» définitivement tout ce qui le rattachait encore à son enfance et à sa jeunesse.
De toutes les œuvres de Bernhard, celle-ci est la plus romanesque : un décor fabuleux, un personnage fascinant (l’archevêque) donnent une dimension impressionnante à l’histoire qui finit, dans la description des funérailles, par une sorte de crépuscule des dieux, devenus des marionnettes sinistres sur la scène du monde actuel, où tout s’effondre.

A40118«Il a caressé des petits serpents très doux ; il parlait toujours. Le mégot brûlait son doigt ; il a pris sa dernière bouffée. Le premier soleil l’a frappé, il a chancelé, s’est retenu à des robes fauves, des poignées de menthe ; il s’est souvenu de chairs de femmes, de regards d’enfants, du délire des innocents : tout cela parlait dans le chant des oiseaux ; il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance du Verbe universel. Il a relevé la tête, a remercié Quelqu’un, tout a pris sens, il est retombé mort.»

Lire l’article d’Ivan Farron sur remue.net

mccullersLa difficulté de communiquer et d’aimer est la préoccupation majeure de Carson McCullers. Dans sa vie comme dans son oeuvre. Dans Le coeur est un chasseur solitaire, déjà, l’angoisse bat, palpite au rythme de la solitude désespérée des êtres. Celle de Singer, le muet, qui traîne son silence dans l’artère déserte de cette petite ville du Sud américain. Celle de tous les clients du « Café de New York ». Car Biff Brannon, le propriétaire du café, aime les marginaux, les anormaux de toutes espèces. Celle de la petite Mick Kelly enfin, cette étrange gosse masculine, si semblable à l’auteur. Cette série de portraits sans reflets se cogne, se bouscule sous nos yeux et demeure à jamais dans notre esprit. Le Coeur est un chasseur solitaire est le premier roman de la jeune Carson qui n’a alors que vingt ans (1940). En quelques années, elle compose ses deux autres romans majeurs : Reflets dans un œil d’or magistralement porté à l’écran par John Huston et Frankie Addams (1946). Elle est également l’auteur d’un insolite recueil de nouvelles, La Ballade du Café Triste.

Neuf 12 €

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À partir d’événements qui se sont produits avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, Mario Cavatore a construit une fiction mettant en scène un personnage emblématique, Lubo Reinhardt, Tsigane et citoyen suisse dont la femme a été assassinée et les deux enfants enlevés pour être placés dans un établissement censé donner aux petits tsiganes une éducation «correcte». L’Œuvre de bienfaisance “Pro Juventute” et son corollaire, “Kinder der Landstrasse”, ont agi ainsi en toute légalité dès l’année 1926 et des milliers d’enfants ont été arrachés à leurs familles puis déportés dans des centres ou des familles «d’accueil», certains dans des asiles psychiatriques, sans jamais revoir leurs parents.

Lorsque le héros du roman de Mario Cavatore, Lubo Reinhardt, apprend ce qui vient d’arriver à sa famille, il décide de répondre à cette ignominie de façon particulière : on lui a pris ses deux enfants, il va séduire le plus grand nombre de femmes croisant sa route et donner naissance au plus grand nombre possible d’enfants. Ainsi, en chacun d’eux coulera du sang tsigane et sa communauté, sa culture ne seront pas anéanties. Lire l’article.

« Ce que retrace ici Klaus Mann, c’est moins son histoire que celle de sa génération à travers les années 20-30, la montée du nazisme, la guerre. La beauté du livre tient à cette étrangeté: c’est une autobiographie sans confession où quelqu’un se raconte sans livrer ses secrets, plus attentif aux autres, à son époque qu’à lui-même. A ce titre, Le Tournant est non seulement l’un des meilleurs livres de Klaus Mann, mais un document littéraire et historique indispensable à quiconque veut comprendre l’Allemagne de Weimar et la vie, les luttes, les désillusions de toute cette génération.  » (préface de Jean-Michel Palmier). Lire aussi les article dans Chronic’art et Le Matricule des Anges.

Chef-d’oeuvre d’Ivan Gontcharov (1812-1891), Oblomov met en scène un désabusé qui préfère le repos à l’action. Entre farce et cas clinique (par Didier Garcia, Le Matricule des Anges, n° 085).

« Autant qu’un roman (de moeurs, russe, réaliste, satirique, et admirablement ficelé), Oblomov est un portrait, haut en couleur, du héros éponyme Ilia Ilitch Oblomov, et de sa maladie. Quelle maladie ? L’oblomovtchina, autrement dit l’oblomovisme, ce mélange subtil d’apathie, de léthargie, d’inertie, d’engourdissement, de rêverie inactive, de renoncement à la vie et d’horreur du travail ». Lire l’article

« A une certaine époque, Defred fut une femme. Aujourd’hui, suite à la Révolution qui a fait chanceler le pouvoir politique de Gilead dans les mains d’une idéologie liberticide, le terme de « femme » n’a plus guère de sens et l’on pourrait tout aussi bien parler d’objet à son propos. Autrefois, Defred était mariée, avait une petite fille, travaillait, bref, menait la vie insouciante et classique d’une femme moderne. Et puis un jour sa carte de crédit se bloque, premier dérèglement minuscule d’une situation qui va s’emballer : son compte bancaire, comme celui de toutes les autres femmes, est bloqué au profit de son mari ; elle perd ensuite son emploi, en même temps que toutes ses congénères, encore une fois ; et rapidement, la seule solution viable est de tenter de quitter le pays. La fuite échoue et elle se retrouve enrôlée de force dans une nouvelle catégorie sociale, celle des servantes, des femmes éduquées dans le but d’être placées chez des hauts gradés du pouvoir afin d’être fécondées par eux et de porter leur progéniture. » Lire l’article

« En 1988, Sauvagerie (Running Wild) inaugurait avec éclat la veine de « critique sociale » qui a occupé J.G. Ballard jusqu’aux récents Super-Cannes et Millenium People. L’argument de Sauvagerie est l’un des plus forts de l’œuvre de l’auteur. Dans une résidence fermée et ultra-sécurisée, où vivent à proximité de Londres des familles aisées, on découvre un dimanche matin que tous les enfants ont été enlevés et leurs parents sauvagement massacrés. Dans cette épure narrative qui rappelle le formidable nouvelliste qu’il est par ailleurs, J.G. Ballard met en scène les dangers qui guettent une société qui pousserait jusqu’à son terme la logique sécuritaire. Comme souvent avec cet auteur, on ne peut qu’admirer, vingt ans après et non sans effroi, la prescience qui a été la sienne dans l’observation et l’analyse du monde contemporain. À signaler qu’une première version de ce roman a paru — discrètement — chez Belfond en 1990, dans une traduction et sous un titre différents (Le Massacre de Pangbourne). Cette nouvelle traduction est due à Robert Louit, l’auteur de la version française de Crash » (quatrième de couverture de l’édition Tristram).

ISBN 13 : 978-2-907681-70-4, 128 pages, format 21,5 x 14 cm, parution octobre 2008.

« Il rifiuto della psicoanalisi come terapia rivela nello Svevo de La Coscienza di Zeno una difesa dei diritti dei cosiddetti « ammalati » rispetto ai « sani ». La nevrosi, per Svevo, è anche un segno positivo di non rassegnazione e di non adattamento ai meccanismi alienanti della civiltà, la quale impone lavoro, disciplina, obbedienza alle leggi morali, sacrificando la ricerca del piacere. L’ammalato è colui che non vuole rinunciare alla forza del desiderio. La terapia lo renderebbe sì più « normale », ma a prezzo di spegnere in lui le pulsioni vitali. Per questo l’ultimo Svevo difende la propria « inettitudine » e la propria nevrosi, viste come forme di resistenza all’alienazione circostante. Rispetto all’uomo efficiente ma del tutto integrato nei meccanismi inautentici della società borghese, egli preferisce essere un « dilettante », un « inetto », un « abbozzo » aperto a possibilità diverse ».Je partage ces considérations qui, à mon avis, rendent compte d’une façon très juste du caractère résolument éversif de mon roman préféré. 

« Rome, 10 février 1600 A quelques jours de son supplice, Giordano Bruno, condamné par l’Inquisition pour avoir pensé sans prudence, entreprend d’écrire un dernier livre. Indifférent aux efforts déployés autour de lui pour que lui soit épargnée la mort des hérétiques, convaincu surtout que la fidélité à soi-même est le seul sceau qui puisse authentifier une idée, il entend cette fois aller à l’essentiel : dire comment sa pensée éprise du mouvement et de la liberté s’est forgée, telle une lame de rapière, au feu de l’action. L’idée la plus haute, la plus juste, ne rend vraiment compte d’elle-même que si celui qui la suscite la met pour de bon à l’épreuve, passe aux aveux. Pas de philosophie au fond, qui ne soit le fruit d’un roman, qui ne soit d’abord aventure.Ainsi le lecteur se trouve-t-il entraîné dans une chevauchée inattendue. C’est que Bruno le Nolain a frotté son esprit aux rugosités du monde, sillonnant en tous sens cette Europe de la Renaissance en proie aux premières convulsions de la modernité, déchirée par les querelles de religion, livrée au bruit et à la fureur. Les ennemis ne lui ont pas manqué. Non plus que les amis, dont il évoque fiévreusement la mémoire : l’énigmatique Henri III de France, le seigneur Michel de Montaigne, un jeune acteur qui se fera bientôt connaître sous le nom de Shakespeare, Philip Sidney le poète, le peintre Arcimboldo — sans oublier le troublant Cecil…Au fil den ces rencontres se dessine peu à peu la vérité d’un destin aimanté par le feu, voué à toutes les audaces, à toutes les ardeurs. Car le bûcher qui l’attend au Campo dei Fiori, qu’est-il d’autre sinon son plus secret, son plus fidèle désir, la marque définitive de son talent ? La vie, la mort, sur cet autel dressé en plein vent et que vont consumer les flammes, s’épousent comme en un creuset. Noces ardentes d’où naîtra l’or philosophal si longtemps quêté : une parole capable de bouter le feu au vieux monde » (quatrième de couverture de l’édition Phébus).

« De ce roman, insolite et fascinant, qu’il adapta à l’écran en 1965, André Delvaux évoque la trame en ces termes : Dans la maison de repos où il est soigné, Godefroid Fourmivelt tente de décrire la suite des événements qui l’ont mené où il est. Avocat secrètement et désespérément amoureux d’une de ses élèves, Franne, il assiste à l’école au triomphe et au départ de celle-ci ; dix ans plus tard, il est obligé d’assister à une autopsie dans un petit cimetière près de l’Escaut ; le même jour, il retrouve inopinément à l’hôtel Franne devenue comédienne, déçue par la vie et prête à mourir de sa main dès qu’ils se sont l’un à l’autre confessé leurs échecs ; meurtrier jugé irresponsable, on le transfère à l’asile. On ne saura guère si, dans l’enchaînement des événements, la synthèse de la beauté absolue (Franne) et de l’horreur absolue (l’autopsie du cadavre) relève ou non des fantasmes de Fourmivelt, car l’épilogue préserve l’irréalité d’une partie des faits rapportés par l’homme au crâne rasé. Confession hallucinée d’un héros sans cesse déchiré entre rêve mythique et quotidien dérisoire, l’Homme au crâne rasé – emblématique du réalisme magique – est un des fleurons de la littérature flamande contemporaine. » (Le point de vue des éditeurs).

Johan Daisne, né à Gand en 1912 et mort en 1978, fut romancier – Un soir, un train, également adapté à l’écran par André Delvaux, est son autre grand texte – et essayste. Il est l’un des principaux écrivains de la littérature belge d’expression néerlandaise.

DAISNE Johan, L’homme au crâne rasé, roman traduit du Néerlandais par Maddy Buysse, Actes Sud, Babel, 1993, 284 pp., broché, poche, actuellement épuisé chez l’éditeur, un exemplaire disponible à l’Odeur du Book.

GÊNES, FÉVRIER 1945 : Luciano Bolis, un des responsables de la résistance génoise, est arrêté par les fascistes. Sauvagement torturé, il se tranche avec une lame de rasoir les veines du poignet puis la gorge, afin de ne pas «donner» ses camarades. Ses bourreaux lui refusent cette délivrance et le conduisent, mourant, à l’hôpital. A la Libération, Bolis rédige un compte rendu quasi clinique des instants terrifiants qu’il vient de vivre. Un récit, sobre et violent, qui analyse de façon subtile les réactions d’un homme seul face à la souffrance physique et au suicide. Rarement description d’actes commis par un «héros ordinaire» a atteint un tel degré de dépouillement et d’intensité. Ce livre, découvert par Natalia Ginsburg et Cesare Pavese, est constamment réédité en Italie.

Luciano Bolis (1918-1993) a été, après la guerre, un militant actif de la construction européenne. Pour en savoir plus


« …je passai neuf nuits à écouter, deux étages au-dessous de nous, huit condamnés à mort attendant d’être transférés dans une autre prison pour leur exécution. Je recommande l’expérience aux partisans de la peine capitale ! »

La prison. Expérience cruciale dans la vie de Howard Fast. Son seul crime : avoir été membre du Parti communiste américain. Son seul chef d’accusation : avoir refusé de livrer des noms et des documents à la Commission des Activités antiaméricaines. Ecrivain de renom, qui avait combattu le nazisme, Fast se vit traité en criminel alors qu’il n’avait enfreint aucune loi.

Récit intime d’une période troublée, Mémoires d’un rouge est l’un des témoignages les plus lucides que nous ayons eus sur la folie qui s’empara des dirigeants d’un pays démocratique, symbole des libertés. C’est l’histoire émouvante d’un homme, de ses doutes, mais aussi et surtout de son courage, un homme qui resta, en dépit de l’adversité, fidèle à ses idéaux. C’est, enfin, un voyage littéraire, en compagnie d’une des voix marquantes des lettres américaines.

« C’est peu dire que Malina, dont l’exil est l’une des figures, est hanté par la mort volontaire. Elle y est omniprésente dans le jeu entre les trois personnages, la narratrice et les deux hommes qu’elle aime d’amour, Malina et Ivan, sans que cet amour se traduise pour autant en acte sexuel. Le sexe n’en est pas moins envahissant sous ses formes les plus agressives, notamment la fascination/répulsion pour le viol et l’inceste à travers des rêves kafkaïens. L’angoisse la submerge : est-on vraiment ce que l’on croit être ? Ne pas oublier le quatrième personnage, la Vienne contemporaine qui ressuscite parfois celle du chef d’oeuvre de Carol Reed Le Troisième homme; d’ailleurs, le chapitre 2 vole son titre au film. C’est d’autant plus adéquat que l’ensemble du récit emprunte souvent leur technique tant au cinéma qu’au théâtre. Ivan est un Hongrois cynique qui travaille dans une institution financière ; Malina est un historien d’art originaire de la frontière yougoslave, mystérieux, lointain et insaisissable ; et la narratrice, mon Dieu, c’est bien elle, cigarette sur cigarette, se cognant aux murs, l’auteur, qui a besoin de cette double vie, qui ne peut être où Ivan n’est pas et ne peut davantage rentrer chez elle si Malina en est absent. Elle a vécu en l’un et meurt en l’autre. (…) Toute mort est un meurtre. Malina ne dit que ça. » (La Republique des livres, 4 décembre 2008) Lire l’article

Le Golem (en allemand Der Golem) est le premier et le plus célèbre roman de l’écrivain autrichien Gustav Meyrink, publié en 1915. Il s’agit d’un roman fantastique fortement marqué par l’influence de la Kabbale, dont l’intrigue se déroule dans le quartier juif de Prague. Le roman suit les traces d’Athanasius Pernath, un tailleur de pierres précieuses vivant dans le ghetto de Prague, qui a perdu tout souvenir de son passé. Sa vie paisible et discrète est perturbée le jour où une femme, Angelina, qu’il aurait connu quand il était enfant, l’implore de l’aider. Ainsi se trouve-t-il plongé dans une intrigue complexe au cours de laquelle il va rencontrer des personnages hauts en couleurs dont les motivations et les intentions sont aussi obscures qu’inquiétantes. Au début du récit, Pernath reçoit la visite d’un inconnu qui lui apporte un livre à restaurer, le livre « Ibbour ». Il s’agit pour Pernath du début d’une aventure initiatique, parallèle à l’intrigue principale, au cours de laquelle, guidé par l’archiviste versé dans la Kabbale Hillel et sa fille Mirjam, il va retrouver ses souvenirs enfouis depuis des années, découvrant alors des pans ignorés de sa personnalité.

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En 1972, le président Georges Pompidou gracie Paul Touvier et dit à cette occasion : « Le moment n’est-il pas venu d’oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas ? » La décision du souverain mise sur une chose impossible : que le pays efface d’un seul coup une période complexe et douloureuse de son histoire, Occupation, déportation et Résistance incluses.

L’auteur analyse les paradoxes de l’amnistie confondue avec l’amnésie. Il en rappelle les formes équivalentes au cours des siècles : la révocation de l’édit de Nantes déclarant « nulles et non avenues » les lois en vigueur, Louis XVIII revenant au pouvoir avec pour mot d’ordre « union et oubli », le ministre de la guerre pendant l’affaire Dreyfus ordonnant à l’armée d’oublier ce qui vient de se passer : le souverain des temps troublés pense pouvoir chasser le trouble en décrétant l’oubli, ce faisant il donne à l’oubli une valeur spécifique. En voulant retrancher une part de l’histoire nationale pour restaurer l’unité perdue, il laisse voir involontairement l’opération stupéfiante et occultée – qu’il a effectuée à son propre insu peut-être. Jean-Michel Rey installe les analyses des penseurs de l’oubli – que sont notamment Michelet et Péguy, Freud et Faulkner – au cœur de nos modernes temps troublés.

« La guerre d’Espagne à laquelle Orwell participa en 1937 marque un point décisif de la trajectoire du grand écrivain anglais. Engagé dans les milices du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), le futur auteur de 1984 connaît la Catalogne au moment où le souffle révolutionnaire abolit toutes les barrières de classe. La mise hors la loi du POUM par les communistes lui fait prendre en horreur le « jeu politique » des méthodes staliniennes qui exigeait le sacrifice de l’honneur au souci de l’efficacité. Son témoignage au travers de pages parfois lyriques et toujours bouleversantes a l’accent même de la vérité. À la fois reportage et réflexion, ce livre reste, aujourd’hui comme hier, un véritable bréviaire de liberté ».

C’est un livre extrêmement bouleversant et profondément perturbant, où la nature devient la seule et dernière compagne possible. Un mur invisible apparaît soudain suite à une catastrophe dont on ne saura rien mais dont on devinera toute la violence inouïe, et isole ainsi dans un chalet de montagne en Autriche une jeune femme. Toute vie est figée derrière ce mur glacée et transparent. Au début il surprend et effraie, ensuite la narratrice essaie de l’oublier pour faire la seule chose dont elle ne se savait pas capable, survivre en cherchant de quoi manger. Dans cette nature hostile, seule avec quelques animaux, bloquée par ce mur invisible elle va s’approprier l’espace, le temps et la forêt et trouver dans cette maison un refuge au monde menaçant et silencieux qui l’entoure.

Peintre et écrivain, Unica Zürn fut aussi une  » malade mentale  » qui consigna par écrit ses dernières crises. Visite guidée de sa folie.

« Même si L’Homme-Jasmin est sous-titré  » Impressions d’une malade mentale « , Unica Zürn n’y décrit pas sa maladie: elle écrit sur, mieux encore à partir de ; en un mot, se raconte. À l’image de Sombre printemps, le texte est rédigé à la troisième personne, avec des phrases courtes et une surprenante économie de moyens. Une étrange façon d’autobiographie donc, qui propose d’ailleurs peu d’éléments aisément identifiables : les anagrammes qu’elle réalise, et dans lesquelles elle se retire du monde pour jouer, de manière obsessionnelle, avec la combinatoire des lettres ; la présence à la fois protectrice et destructrice de Hans Bellmer, son internement à Wittenau, puis à l’hôpital Sainte Anne… Elle est surtout nourrie de rêves, de délires hallucinatoires, d’obsessions (…) » (Le Matricule des Anges, n° 052, Avril 2004, par Didier Garcia). Lire l’article

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