Guadalupe Grande

Jeudi, 21 octobre à partir de 19h

Qu’il s’agisse d’un amour, de souvenirs familiaux ou d’images familières, ou encore du doute qui la saisit à se retrouver dans une ville inconnue, Guadalupe Grande écrit la solitude. Tout chez elle se vit au rythme d’une intériorité feutrée, dont ses poèmes sont autant de fragments. Née à Madrid, elle a publié plusieurs recueils en Espagne où elle est considérée comme une voix contemporaine majeure.
« Métier de chrysalide » est une anthologie bilingue réalisée par Dorothée Suarez et Juliette Gheerbrant, pour les éditions Alidades. Cette première publication en traduction française est postfacée par Carlo Bordini. Elle a été accompagnée de quelques publications sur le beau site de Poezibao, dirigé par Florence Trocmé. Guadalupe Grande lira quelques un de ses poèmes en langue originale, que les traductrices liront ensuite en français.

La vida nos sabe a poco

el mar no nos basta

Somos un signo de interrogacion

que ha perdido su pregunta

(Guadalupe Grande, Métier de Chrysalide, Alidades, 2010)

NATURE MORTE

Neuf heures et la cuisine est dans la pénombre:

je suis assise à une table grande comme le désert,

face à des aliments que je ne sais comment regarder,

si je les interrogeais, que me répondraient-ils ?

Ce sont des oranges d’une récolte à contretemps,

des mandarines sans empire,

des asperges vert deuil,

des laitues vert oubli,

des céleris sans tête,

vert néant,

vert ensuite,

vert enfin.

(Plateaux de promesses

dans le comté de la détresse.)

L’après-midi se dilate dans la cuisine

et le bruit de la mer ne parvient pas jusqu’ici.

La solitude des oranges se multiplie :

Il n’y a pas de question face à tant d’opulence,

ici, dans la sérénité de ce tabouret à trois pieds

entourée par une muraille de mandarines orphelines,

une légion de bananes sans taches,

une forêt de persil plus luxuriante

que la jungle tropicale.

Aliments muets et sans parfum:

je vous regarde et je ne vois qu’une caravane de marchandises,

le sommeil des chauffeurs,

une urgence de frigorifiques

et une traînée d’eau sale qui traverse la ville.

(Guadalupe Grande, Métier de chrysalide / Oficio de crisálida, chez Alidades, traduction de l’espagnol par Dorothée Suarez Juliette Gheerbrant. Postface de Carlo Bordini, traduite de l’italien par Juliette Gheerbrant).

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