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Gorgias

Cette soirée est généreusement soutenue parlogo-hd

Éloge d’Hélène et Défense de Palamède de Gorgias de Léontium

GorgiasIl y avait presque évidence à donner maintenant la parole à Gorgias. Après avoir entendu  le mois dernier Phèdre et Socrate échanger à plaisir sur la Beauté dans « Eupalinos« , Socrate dans sa dernière réplique s’exclamant « …tout ce que nous venons de dire est aussi bien un jeu naturel du silence de ces enfers, que la fantaisie de quelque rhéteur de l’autre monde qui nous a pris pour marionnettes! », ce même Socrate mis en scène par la facétie de Valéry dégageant en début de dialogue que « Le réel d’un discours, c’est après tout cette chanson, et cette couleur d’une voix, que nous traitons à tort comme détails et accidents », il y avait pleine logique à inviter sous l’égide de Mars cet adversaire devant qui au début du dialogue de Platon auquel son nom donne titre, la guerre, la bataille se reformule en fête: il s’y recherche définition et objet de l’art que possède le sophiste, la rhétorique, productrice de persuasion par opposition au « désir insatiable de convaincre qui anime l’inventeur de la maïeutique.

Ma joie est grande de vous convier à goûter à l’orée du printemps deux exemples de l’art de ce disciple d’Empédocle et contemporain de Socrate, qui suscita tant d’admiration en son temps, entre autres, parmi les Grecs de Thessalie que « gorgianiser » en vint à devenir l’équivalent de « parler en public ».

« Éloge d’Hélène » prend la défense de cette beauté inspiratrice qui fit la Grèce par le nombre et la diversité des guerriers qu’elle rassembla devant Troie, et entend laver sa réputation d’infamie, « Je convaincrai de mensonge ses contempteurs et, en leur faisant voir la vérité, je ferai cesser l’ignorance ». Il sera délicieux au cours de ce plaidoyer mené par une logique, une vigueur prenant le pas sur la rigueur, et une prestance magnifique d’entendre l’accusée déchargée d’avoir subi les armes mêmes de cette rhétorique que Gorgias porta à l’excellence et enseigna: il y est réfléchi sur le discours, « tyran très puissant » et sur la persuasion  qui « en s’ajoutant au discours arrive à imprimer jusque dans l’âme tout ce qu’elle désire ».
La « Défense de Palamède » ajoute à la danse en armes des pirouettes, des entrechats, et des sissones vertigineux: « Que ce n’est pas d’un savoir évident que mon accusateur s’appuie pour m’accuser, je le sais d’un savoir évident: car je sais avec évidence que je n’ai rien fait de tel. Et je voudrais bien savoir comment on pourrait représenter comme étant quelque chose qui n’a jamais été. » La dichotomie et le raisonnement par récurrence y prennent toute puissance, la démonstration du non-lieu est si bien conduite qu’elle réussit ce tour de force de défaire entièrement, dès son principe l’accusation mais encore de lui donner prétexte, circonstances obligées, nécessité à faire le panégyrique de ce « bienfaiteur de la Grèce » dont l’indigne condamnation aurait ruiné la réputation de ses juges.

A l’heure exquise où les bourgeons développent à mi-ciel leurs pétales de soie et la promesse du miel, venez cueillir et respirer l’élégance de ces fleurs d’éloquence.

L’évocation de la belle Hélène vous charmera, « elle a terriblement l’air d’une déesse quand on l’a devant soi » fut-il dit par ailleurs, l’insolente souplesse à l’œuvre dans la « Défense de Palamède » pourra vous étourdir!

Isabelle Fournier